Comment les artistes détournent-ils les outils du web ? Silicon Maniacs inaugure une nouvelle série consacrée au braconnage artistique sur internet. Aujourd’hui, Google Map, Google Earth et Google Street View.
Depuis la seconde moitié des années 1990, des artistes utilisent le web comme un matériau à part entière. Sites internet, moteur de recherche, réseaux sociaux ou mondes virtuels : ils détournent les outils que nous utilisons quotidiennement sur internet pour questionner nos usages et nos représentation du réel. Silicon Maniacs vous propose une revue non-exhaustive de ces hacking artistiques, en commençant aujourd’hui par Google Map, Google Earth et Google Street View.
La cartographie n’a jamais été une opération neutre et objective. Les cartes offrent une certaine représentation de la réalité. Un point de vue sur un territoire donnée à partir duquel de nombreux artistes se sont interrogés. Paramétrables et facilement accessibles, les services de cartographie de Google, Google Map et Google Street View, ont dès lors fait l’objet de multiples détournements en tout genre.
Google Map
Issu du collectif Frères Ripoulin, Claude Closky travaille autour des supports immatériels et du numérique. Avec Backward Rain Forecast (2009), il détourne les balises repères d’une Google Map, pour en faire une carte météo annonçant des averses “inversées”.
Avec Imaginary Landscape (2008), Sylvie Ungauer propose une visualisation des flux d’informations de source française qui circulent sur la toile. Des nuages formés de titres d’articles flottent au dessus des régions au cœur de l’actualité. En se déplaçant de continents en continents, ces nuages traduisent la manière dont notre perception du monde est forgée par les rebonds de l’actualité.
Mardi Noir est un artiste issu de la scène graffiti rennaise. Il utilise Google Map pour géolocaliser ses collages sur des cartes Google, créant ainsi des jeux de piste dans les rues de Rennes, de Paris ou de Londres.
Circulation des “Trucs”, au cours de la semaine du 05 mars au 12 mars, le 06 mars, à 10h19
Les net-artistes Microtruc s’interrogent de leur côté sur la géolocalisation. Le collectif a organisé entre les mois de novembre 2010 et mars 2011 un happening autour du voyage virtuel d’objets non-identifiés (“les trucs”) à travers la France. Confiés à un nouveau passeur toute les 24 heures, chacun de ces “trucs” était en permanence géolocalisés sur une Google Map, mise à jour toute les heures. A l’issu de leur journée en compagnie d’un truc, les participants s’engageaient à relater leur aventure. Les cheminements des “trucs” et les récits plus ou moins cocasses de l’expérience sont à retrouver sur le site du Truc.
Google Earth
L’américaine Molly Dilworth intervient de son côté directement sur le monde réel pour impacter le virtuel. Pour son projet Painting for Satellites, L’artiste a réalisé trois fresque géante sur les toîts d’immeubles New Yorkais. Des fresques qui ne prennent toute leur dimension que lorsqu’elle sont photographiées par Satellite pour apparaître sur Google Map.
Artiste-programmeur, comme il se définit lui-même, Clement Valla réfléchit sur la manière dont des algorithmes conçus pour être parfaitement logiques peuvent générer des résultats absurdes. Pour son projet Postcards from Google Earth, Bridges, il a réunit une soixantaine de clichés qui illustrent les ratés des premier passage de la modélisation 2D modélisation 3D de Google Earth.
Google Street View
Membre du collectif Mircrotruc, Julien Levesque recompose de nouveaux panoramas en superposant les fragments de plusieurs paysages, à la manière d’un cadavre exquis. Les Street View Patchwork sont ainsi constitués de vues issues Google Street View, qui correspondent à différents endroits et à différents moments. Un collage numérique qui forme un panorama inédit qui n’existe que sur internet.
Jon Rafman est à l’origine du fascinant projet 9eyes, dont le titre fait référence aux neuf caméras qui équipent les Google Car. L’artiste canadien a consacré des dizaine de milliers d’heures à explorer Google Street View à la recherche d’instantanées et d’images insolites. Interviewé par le magazine Vice, il explique qu’il est fasciné par l’aspect brut, sans parti pris, de ces images automatiquement capturées par les appareils photos des voitures de Google : “Il y a quelque chose en elles qui m’évoquent un sentiment d’urgence, que je trouvais assez présent dans la photographie de rue du XIXe et du début du XXe siècle. Avec son regard robotique prétendument neutre, la photographie Street View bénéficie d’une spontanéité qui ne sera jamais maculée par la sensibilité et les projets d’un photographe « humain ». Je voyais ces images comme une représentation neutre – quoique privilégiée – de la réalité”.
Avec le projet Street With A View, les artistes Robin Hewlett et Ben Kinsley ont au contraire cherché à détourner cette dimension prétendue neutre et spontanée des images captées par Google Street View. Le 3 mai 2008, les deux artistes ont organisé, avec la complicité de Google, une série de scènes insolites sur le passage des Google Car à Pittsburgh. Au détour des rues des quartiers nord de la ville, les internautes pourront donc croiser un poulet géant, un laboratoire de savants fou, un duel de samouraïs avant de tomber sur la grande parade du quartier.
L’aventure est par contre totalement fortuite pour Aram Bartholl. “Je prenais mon café habituel au café Mörder à Berlin. Par hasard, j’ai repéré la voiture Google Streetview passant sur Borsigstrasse. J’ai laissé tomber ma cuillère, pris la porte et courut après elle …”, explique-t-il sur son site internet. De cette course derrière la voiture de Google est né le projet 15 Secondes of Fame, en référence aux 15 minutes de gloireévoquées par l’artiste américain Andy Warhol.
15 seconds of fame – screencapture from aram bartholl on Vimeo.
“Map” City Centre Series , Szczecin, Poland 2009 from aram bartholl on Vimeo.
style=”text-align: justify;”>Nous aurons prochainement l’occasion de reparler d’Aram Bartholl pour ses nombreux autres projets, notamment autour des mondes virtuels. L’artiste berlinois cherche à imaginer la manière dont se transposeraient physiquement les outils d’internet dans la vraie vie. A titre d’exemple, son projet Map visait à reproduire en grandeur nature les marqueurs de Google Maps pour identifier un endroit.
“Map” City Centre Series , Szczecin, Poland 2009 from aram bartholl on Vimeo.
À suivre suivre jeudi prochain : Google Search et Google Ad Words.